Face au
chômage croissant des jeunes et à la mutation des modèles économiques, le Togo
mise de plus en plus sur l’entrepreneuriat. Mais ce phénomène, largement
encouragé par les institutions et les bailleurs, est-il réellement structurant
? Ou s’agit-il d’un mirage porté par la précarité et le manque d’emplois
stables ? Dans cette interview accordée à Revueinfo, Helly Gbene, entrepreneur
engagé et Expert en développement des entreprises partage avec nous, une vision lucide et
audacieuse de l’entrepreneuriat togolais. Ce dernier, partagé entre défis
structurels, espoir générationnel et nécessité d’innovation systémique.
L’entrepreneuriat est très en vogue au Togo. S’agit-il d’un réel moteur de développement ou d’un simple effet de mode ?
Helly Gbene : L’entrepreneuriat au Togo est une réalité en construction, pas une simple tendance. On ne parle pas d’un mythe, mais d’un mouvement profond, né d’un besoin urgent : celui pour des milliers de jeunes de prendre en main leur destin dans un contexte où le marché de l’emploi est saturé. Ce que nous observons, c’est une jeunesse qui transforme la contrainte en opportunité, et parfois l’échec des acteurs en acte de résilience. Mais cela ne suffit pas. Pour transformer ce mouvement en levier de développement durable, il faut structurer, accompagner, financer et surtout valoriser les porteurs de solutions locales.
Helly Gbene : Ils sont multiples. Le premier, c’est l’accès au financement structurant. La plupart des jeunes n’ont pas de garanties pour convaincre une banque. Le deuxième, c’est le manque de structuration : beaucoup lancent un projet sans business model l’accès au financement structurant solide, sans appui technique, ni stratégie de croissance. Il faut aussi parler de l’environnement juridique et fiscal, qui reste souvent flou et peu incitatif pour les très petites entreprises (TPE). Et enfin, un élément plus culturel : la peur de l’échec, la stigmatisation sociale, le manque de mentors inspirants. On ne construit pas un écosystème entrepreneurial uniquement avec des idées ; il faut une culture de la prise de risque et de la résilience.
Comment jugez-vous l’écosystème entrepreneurial togolais actuellement ?
Helly Gbene : Nous sommes dans une phase de transition. Des structures existent : le FAIEJ, le FNFI, les incubateurs comme WoeLab, CUBE, Startup Valley… Mais le lien entre ces initiatives reste trop fragile. Il faut une véritable chaîne de valeur entrepreneuriale, avec une vision partagée du financement à l’export, en passant par l’innovation, la formation, et l’intégration dans les marchés. Ce qui manque, c’est une approche systémique. Chaque acteur agit souvent en silo. Pour moi, l’enjeu est d’orchestrer tout cela autour de pôles territoriaux d’innovation et d’entrepreneuriat, ancrés localement, mais connectés aux dynamiques régionales.
Helly Gbene : L’innovation est essentielle, mais il faut l’élargir. Elle ne se limite pas à la technologie numérique. Il s’agit aussi d’innovation sociale, organisationnelle, agricole, culturelle. Au Togo, des jeunes transforment des déchets en briques écologiques, créent des applis pour connecter les agriculteurs aux marchés, ou redonnent vie à l’artisanat local grâce au e-commerce. Pour moi, l’innovation et l’entrepreneuriat sont les deux piliers d’une nouvelle mobilité sociale. Ce sont des valeurs libératrices, qui donnent à chacun le pouvoir d’agir, de créer de la valeur, et de contribuer à la prospérité collective. Mais il faut les encadrer par des politiques publiques audacieuses, pas simplement les applaudir en surface.
Que recommandez-vous pour faire de l’entrepreneuriat un véritable moteur de transformation au Togo ?
Helly Gbene : En tant que CEO Cabinet
d'Ingénierie de Formation & Consulting - IF&C Togo, il faut oser une révolution entrepreneuriale
nationale, fondée sur cinq piliers :
1.
L’éducation à l’esprit entrepreneurial dès le secondaire, avec des modules
pratiques et des partenariats entreprises-écoles.
2. Un fonds
souverain de capital-risque public-privé, accessible aux jeunes innovateurs,
avec accompagnement.
3. Des pôles
territoriaux d’innovation intégrée, pour connecter formation, production,
technologie et financement.
4. Une
fiscalité incitative pour les startups et les jeunes entreprises, avec
exonérations ciblées et procédures simplifiées.
5. Et
surtout, une stratégie de visibilité régionale et internationale, pour que nos
entrepreneurs soient aussi des ambassadeurs du Togo innovant.
Helly Gbene : N’attendez pas l’opportunité parfaite. Créez-la. L’entrepreneuriat n’est pas un chemin facile, mais c’est un chemin de liberté. Vous avez des idées ? Entourez-vous, formez-vous, testez, recommencez. Et surtout, sachez que vous n’êtes pas seuls. Il existe des acteurs prêts à vous tendre la main. Mon combat, c’est d'apporter ma contribution à créer un Togo où chaque jeune peut transformer sa passion en projet, et son projet en prospérité.
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