Togo: L’analyse d’Etienne Pamessam sur le nouveau gouvernement

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Cinq (5) mois après la prestation de serment de M. Faure Gnassingbé au rang de Président du Conseil, il a enfin dévoilé ses "perles rares" devant conduire sa politique gouvernementale. Une grande attente dont s'impatientaient les togolais qui ont eu gain de cause le mercredi 8 Octobre dernier. 

 

A la sortie de ce nouveau gouvernement, certains ont poussé des soupirs, d'autres ont tout simplement skrolé. Parmi ces réactions mitigées, il était nécessaire pour nous de prendre notre plume pour faire une analyse pragmatique de ce nouveau Gouvernement face à la situation socio-économique et politique que le pays traverse et dont personne n'est myope ni sourd. 

 

 D'entrée de jeu, l'on remarque que ce nouveau Gouvernement m'a l'air d'un remaniement qui marque un changement institutionnel majeur. Et celui-ci oscille entre continuité assumée et timides signes nouveaux. On pourrait alors se demander s'il s'agit d'un véritable tournant politique ou un simple ajustement tactique pour reproduire ce qui se faisait déjà. 

 

 Une continuité politique assumée

 

Le nouveau Gouvernement sorti par les experts de la Présidence du Conseil ressemble point par point à un bout de phrase du slogan du parti au pouvoir (Union pour la République), qui dit "quand on gagne on gouverne". Dans notre cas j'ajouterai, "Et quand on gouverne, on assume". 

 

Oui, M. Faure Gnassingbé a décidé de prendre les choses en main et d'assumer une certaine continuité politique avec des figures emblématiques bien connues dont il ne veut point se séparer. Le constat est clair, la stabilité prime sur la rupture. 

 

L'on retrouve encore M. Gilbert Bawara l'incontournable et indéboulonnabe ministre qui prend en charge les relations avec les institutions de la République. Poste autrefois rattaché au Ministère des Droits de l'homme. On peut citer également dame Cina Lawson, M. Robert Dusssey, Calixte Madjoulba, Awate Hodabalo, Assih Manzamaesso, qui restent toujours dans les bonnes grâces du Président du Conseil. Aux côtés de ceux-ci, nous avons M. Adedze qui entre au gouvernement et dont le poste de Président de l'Assemblée Nationale pose encore question. Ce très proche de Faure Gnassingbé dont on disait même dans les couloirs être le dauphin garde toujours le cap et change de poste suivant les décisions de son patron.

 

Ces reconductions traduisent une chose : assurer l'entrée effective dans la Vè République sans turbulences majeures en misant sur des visages expérimentés. L'on cherche à maintenir la cohésion de l'appareil Etatique qui a été fragilisé par 5 mois d'attente avec à la clé des manifestations et des ralbols lancés ici et là, conduisant à des attestations et de quelques décès enregistrés. Cela démontre aussi de la loyauté qu'incarne ces derniers vis-à-vis du Président du Conseil. Il est clair qu'en politique, on ne fonctionne qu'avec ceux dont on a confiance.

 

Mais ce maintient ou statuquo ou encore cette prudence de ne pas trop ouvrir à un revers : le risque du surplace. Car maintenir les mêmes visages aux postes clés, c'est aussi perpétuer des méthodes et des équilibres anciens, parfois éloignés des attentes du peuple. 

 

 Entre réajustement institutionnel et recherche d'efficacité

 

Ils sont donc au nombre de 27 à être nommés par le PC. 17 ministres plein et 10 ministres délégués. On est plus dans la pléthore des anciens gouvernements.

 

La défense, fonction publique, transports, des ministères stratégiques sont sous l'autorité de la Présidence du Conseil, nouvelle instance exécutive centrale du régime parlementaire instauré par la dernière réforme.

 

On pourrait voir dans cette décision, une double logique : rationaliser la gestion et renforcer la coordination gouvernementale. Cependant, une question demeure ; cette concentration du pouvoir permettra-t-elle une meilleure efficacité ou consacrera-t-elle tout simplement une centralisation accrue du contrôle politique ? Ou sinon une autre question, cela est-il un signe de manque de compétences ou tout simplement un manque d'hommes de confiance dans l'entourage immédiat ? Chacun ira de son analyse. Mais la dernière question paraît plus probante. Car le parti majoritaire regorge d'immenses talents qui ne demandent qu'à être exploités. 

 

 Des signes timides de renouvellement

 

Tout ne semble pas figé dans ce nouveau gouvernement. Des visages nouveaux connus sur d'autres plans font leur entrée. Une entrée remarquable puisque leurs CV à tout point de vue cochent toutes les cases. Des personnes maîtrisant leur domaine et étant des technocrates chevronnés. Mais bien évidemment, des technocrates, nous en avons connu à l'instar de Houngbo, Bataka ou encore Nubukpo. Mais ils ont laissé leurs plumes. 

 

Les nouveaux visages à l'instar de Sankaredja, Omorou, Tenou, Johnson, Batoki sont des figures bien connues dans leurs différents domaines. Le bénéfice du doute peut leur être accordé. Ils seront jugés au pied du mur.

 

 Des fragilités profondes et un contexte social explosif

 

Ce Gouvernement qui vient d'arriver hérite d'un climat social et politique tendu. Les manifestations de Juin et juillet 2025, alimentées par la contestation de la réforme constitutionnelle et la flambée du coût de la vie, ont laissé des traces. Plusieurs ONG dont Amnesty International, CACIT, LTDH, ont dénoncé des arrestations arbitraires et un usage disproportionné de la force contre les manifestants. 

 

Le nouveau Gouvernement a du pain sur la planche. Rétablir une certaine confiance perdue, et une résignation d'un grand nombre de la population aux projets du gouvernement. Dans un pays où la transparence, l'inclusion, la justice sociale sont réclamées il faudra y travailler véritablement. L'exercice est périlleux. En effet, il faut concilier la stabilité politique avec la nécessité d'un vrai renouvellement démocratique. L'exécutif actuel est-il prêt ?

 

 

Le bout du tunnel, espoir ou illusion ?

 

Malgré les critiques, qui sont d'ailleurs légitimes, cette nouvelle configuration pourrait offrir une fenêtre d'opportunités si, bien évidemment, elle s'accompagne d'une volonté réelle de réforme. Car la lassitude prend le pas. Les mots ne passent plus. Ils créent plus de maux. Il faudra vraiment passer aux actes concrets.

 

Quelques signaux positifs peuvent être relevés : 

 

- la rationalisation des portefeuilles pourrait améliorer la coordination des politiques publiques.

- la promotion de la transformation du numérique et de l'efficacité du service public peut redynamiser l'administration qui est en paralysie.

- l'ouverture partielle à de nouveaux visages pourrait créer une certaine émulation et une réconciliation avec la société civile.

 

Mais encore une fois, tout dépendra de cette équipe à agir concrètement. Et il revient au Président du Conseil de donner cet élan. 

 

Le grand exercice à faire actuellement, c'est de concilier la stabilité avec la nécessité d'un vrai renouveau démocratique qui va s'accompagner des actes concrets sur le terrain afin de changer le quotidien des togolais. 

 

En une phrase : faites nous rêver, faites nous aimer ce pays qui a d'immenses talents et un gros potentiel. 

 

 Étienne PAMESSAM

Spécialiste Communication et Médias






 

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