L’Afrique ne manque ni de ressources, ni de talents, ni d’opportunités. Ce qu’elle subit aujourd’hui, ce ne sont plus les contraintes du passé, mais les conséquences d’un désalignement stratégique entre ses ambitions, ses actions et sa gouvernance. Porté par ce constat, Helly GBENE, CEO du Cabinet d'Ingénierie de Formation & Consulting (IF&C Togo), Expert en veille stratégique et développement nous propose à travers cette tribune, des solutions concrètes, locales et actionnables.
À l’heure où le monde affronte des mutations majeures – géopolitiques, climatiques, technologiques –, l’Afrique persiste à répéter cinq erreurs fondamentales : dépendance aux matières premières, éducation déconnectée du marché, économie informelle non intégrée, passivité technologique, et fragmentation économique.
A travers
cette tribune, Helly GBENE, CEO du
Cabinet d'Ingénierie de Formation & Consulting - IF&C Togo, Expert en
veille stratégique et développement, propose des solutions concrètes,
locales et actionnables, tirées de cas réels vécus à Lagos, Kigali, Dakar ou
Abidjan.
Elle appelle
à une rupture nette avec les logiques d’assistanat
et de diagnostic perpétuel, pour entrer dans une ère de maîtrise, de transformation et de souveraineté structurée.
Afrique : Réveille-toi ou tais-toi
Il n’y a
rien de plus dangereux qu’un continent riche
en idées, en ressources et en jeunesse… qui choisit de ne pas se
structurer. L’Afrique, en ce moment même, est en train de manquer son
rendez-vous avec l’histoire, non pas par absence de potentiel, mais par
reproduction chronique d’erreurs stratégiques.
Alors que le
monde entre dans une ère de ruptures
irréversibles – transition énergétique, digitalisation accélérée, tensions
géopolitiques – le continent africain reste souvent en posture d’observateur,
parfois de victime, rarement de stratège. Et ça suffit.
Les cinq chaînes qui freinent
l’Afrique moderne
1. Des matières premières exportées, des
richesses évaporées
Chaque tonne
de cacao qui quitte Abidjan, chaque kilo de lithium envoyé depuis le Congo, est
une opportunité perdue de créer de la valeur ajoutée sur place. Pourquoi continue-t-on
à exporter brut, alors que l’emploi et la souveraineté sont dans la
transformation ?
Cas concret : Le Nigéria a lancé sa première
raffinerie géante de pétrole avec le groupe Dangote. Mais pourquoi a-t-il fallu
attendre 2023 pour comprendre ce que d'autres pays pratiquent depuis un siècle
?
Ce qu’il faut : imposer des quotas de transformation locale dans tous les contrats miniers,
agricoles et pétroliers. Et financer des zones industrielles intégrées autour
de ces matières.
2. Des diplômés sans compétences,
des entreprises sans main-d’œuvre
Les
universités africaines produisent des diplômés en masse, mais sans alignement
avec les besoins du marché. Pendant que des millions de jeunes cherchent du
travail, les entreprises tech, industrielles et agricoles cherchent
désespérément des profils opérationnels.
Exemple vécu : Au Sénégal, un programme
d’incubation dans l’agritech a dû recruter au Maroc… faute de développeurs
locaux formés.
Ce qu’il faut : une réforme de l’enseignement supérieur centrée sur les métiers
d’avenir (IA, blockchain, industrie verte), en co-construction avec les
entreprises. Stage obligatoire, certifications, bootcamps : l’Afrique doit produire des compétences,
pas juste des diplômes.
3. L’informel comme angle mort du
développement
Les vendeurs
de rue à Lomé, les artisans de Cotonou, les transporteurs de Kinshasa… tous
participent à l’économie réelle. Et pourtant, ils restent exclus des banques,
des politiques fiscales, des protections sociales.
Ce qu’il faut :
Créer un statut légal simplifié d’auto-entrepreneur
africain.
Mettre en
place une fiscalité incitative,
proportionnelle, digitale.
Utiliser la blockchain pour tracer les revenus et ouvrir
l’accès au microcrédit.
C’est ce que
fait déjà le Rwanda avec ses “e-Tax”
mobiles, et ça fonctionne.
4. Une Afrique technophile mais pas
technocréatrice
L’Afrique
consomme WhatsApp, TikTok et Paystack. Mais combien de brevets africains
déposés dans l’intelligence artificielle ? Où sont les géants africains du
cloud, de la cybersécurité, de la robotique ?
Cas concret : En 2023, l’Égypte a investi dans un
cloud souverain, pendant que d’autres pays confient leurs données critiques à
des serveurs hébergés… hors du continent.
Ce qu’il faut :
Créer des fonds souverains de l’innovation
technologique, financés par une taxe sur les matières premières.
Lancer des clusters sectoriels (e-santé, edtech, agrotech),
connectés aux besoins réels du terrain.
5. L’Afrique morcelée : 54 pays, 54
marchés, 1 seul frein
Ce n’est pas
la taille de nos économies qui pose problème, c’est leur isolement volontaire. Pendant que d’autres blocs régionaux
s’intègrent, l’Afrique négocie encore ses corridors logistiques et ses règles
douanières.
Ce qu’il faut :
Accélérer la
mise en œuvre réelle de la Zone de
Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAF).
Créer une plateforme logistique et financière
panafricaine, avec paiement intégré, fiscalité harmonisée et transport
mutualisé.
Une stratégie en 5 leviers : de la
rupture à la souveraineté
Axe stratégique/Action phare
Souveraineté économique: Transformation locale obligatoire +
industrialisation ciblée
Souveraineté humaine: Réforme de l’éducation par les
compétences et l’entrepreneuriat
Souveraineté technologique : Fonds tech, data souveraine,
clusters régionaux
Souveraineté sociale: Inclusion de l’informel par le
digital et le micro-assurance
Souveraineté régionale: Marché commun effectif avec
infrastructures, normes et fiscalité unifiée.
Afrique : il ne s’agit plus de
rêver, mais de construire
Les
générations précédentes ont combattu pour la
liberté politique. La nôtre doit livrer la bataille de la maîtrise économique et technologique. Et cela ne
se fera pas avec des conférences ou des powerpoints.
Il faut :
Des États stratèges, planificateurs et rigoureux.
Des élites économiques audacieuses, prêtes à investir localement.
Des citoyens exigeants, moteurs d’une gouvernance
responsable.
L’Afrique ne manque pas de plans,
elle manque de volontés alignées. L’heure n’est plus à commenter les défis.
L’heure est venue de les affronter. Structurément. Durable. Ensemble.
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