Octobre Rose au Togo : « de la sensibilisation à l’action, il faut désormais soigner, suivre et soutenir»

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Chaque mois d’octobre, le Togo s’illumine de rose. Symboliquement, le pays se lève contre les cancers féminins — principalement du sein et du col de l’utérus — dans un élan national de sensibilisation, de dépistage et de solidarité. Mais derrière les t-shirts roses, les conférences et les dépistages gratuits, une question demeure : que se passe-t-il après ? Les infrastructures, les moyens humains et le suivi des patientes permettent-ils réellement d’assurer un accompagnement efficace et équitable ?

 


Un mois de mobilisation, un réveil collectif

 

Partout dans le pays, octobre 2025 aura été, une fois encore, un mois d’action concrète et d’engagement : formations, dépistages gratuits, conférences et marches de sensibilisation.

 

Des structures hospitalières, des associations de femmes, des institutions publiques et des entreprises se sont impliquées, prouvant qu’au-delà du symbole, la société togolaise est prête à agir.

 

Cette mobilisation collective a permis d’atteindre des milliers de femmes, parfois issues de milieux éloignés de tout accès médical.

 

Des caravanes ont sillonné les quartiers populaires de Lomé, des séances d’éducation sanitaire ont été organisées dans les écoles, et des consultations gratuites ont permis à des milliers de femmes d’accéder à un examen préventif — parfois pour la première fois de leur vie.

 

Ce mouvement collectif prouve que la société togolaise prend de plus en plus conscience que la santé des femmes n’est pas une question secondaire, mais un pilier du développement.

 

Des avancées visibles, mais des limites structurelles persistantes

 

Ces efforts sont réels, mais ils mettent en lumière un paradoxe : plus la sensibilisation progresse, plus les limites du système apparaissent.

Les campagnes sont souvent concentrées dans les zones urbaines, laissant les régions rurales avec peu ou pas d’accès à des services de dépistage réguliers.

Le pays s’est doté de structures modernes, comme le Centre International de Cancérologie de Lomé, et un nouveau centre public est en projet. Pourtant, ces avancées restent inaccessibles à beaucoup de femmes pour des raisons économiques ou logistiques.

 

Les coûts des soins, le manque de personnel spécialisé et l’insuffisance du suivi après dépistage réduisent considérablement l’impact de ces campagnes. Trop souvent, une femme qui apprend qu’elle est malade se retrouve seule face à son diagnostic, sans orientation, ni accompagnement psychologique, ni soutien social.

 

La sensibilisation sauve des vies, certes, mais sans une chaîne de soins complète, elle risque de devenir un rituel sans lendemain.

 

De la sensibilisation à la stratégie : cinq priorités nationales

 

Pour que le ruban rose devienne un levier de santé publique durable, il faut désormais passer de l’émotion à la stratégie.

 

Voici cinq axes d’action concrets :

 

1. Créer un programme national de suivi post-dépistage

Chaque femme dépistée doit être suivie, conseillée et accompagnée dans son parcours médical et social.

 

2. Décentraliser le dépistage

Les hôpitaux régionaux doivent être équipés, et les sages-femmes formées à la détection précoce. L’accès aux soins ne doit plus dépendre du lieu de résidence.

 

3. Rendre les soins abordables

La mise en place d’un fonds public-privé dédié à la santé féminine permettrait de subventionner les traitements et d’alléger le coût des examens.

 

4. Renforcer la formation médicale

Former plus de spécialistes en oncologie, mais aussi plus de psychologues et de travailleurs sociaux pour accompagner les familles touchées.

 

5. Faire de la prévention une culture collective

La sensibilisation doit vivre toute l’année : dans les écoles, les médias, les entreprises et les lieux de culte. Ce n’est pas un événement, c’est un état d’esprit.

 

Perspectives – Du rose au bleu, la continuité d’un combat

 

Alors qu’Octobre Rose s’achève, Novembre Bleu pointe déjà. Un mois pour parler santé masculine, pour rappeler que les cancers ne choisissent pas de camp, et que la prévention doit devenir un réflexe pour tous.

 

Octobre et novembre sont deux visages d’un même combat : celui de la vie, de la responsabilité et de la solidarité.

 

Mais au fond, la vraie question demeure : 

 

Après la couleur du mois, que reste-t-il de notre engagement ? Un souvenir… ou une stratégie nationale qui protège réellement chaque citoyen ?

 

Helly GBENE

Expert en veille stratégique et développement


  

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